S’il y a bien une thématique qui inspire l’art, c’est l’information. Bernard Anton n’échappe pas à cette règle. Bien au contraire, cet écrivain aux compétences différentes et uniques en son genre se démarque surtout par son goût pour les sujets actuels et les motifs qui préoccupent les esprits.
Dans son autre livre paru aux mêmes éditions « Impliqués », l’auteur présentait ses « Montagnes de cendres ; haïkus et tankas ». Dans cette œuvre disponible en version numérique et physique, l’artiste décide de s’attaquer à la pandémie, liée au coronavirus. Pour cela, il met en image grâce à des poèmes brefs, mais très précis, décrivant une situation jusqu’alors novatrice, jamais observée dans le monde moderne. Pour cela, il se repose sur ses émotions, car le poème japonais propose un format qui se prête particulièrement à l’exposition de tableaux vivants et de l’instant présent. Mêlant surprises et scènes ironiques de type doux-amer, Bernard Anton publie en été 2022 le livre « Lauriers pour l’Ukraine », qui compte moins de 70 pages. Cet ouvrage coup de poing tombe à point nommé. En effet, la crise humanitaire en Ukraine est d’actualité, et mérite qu’on s’y attarde. Même si l’écrivain réside dans la province de Québec au Canada, ce dernier se sent concerné par ce conflit. En effet, l’auteur altruiste considère que tous les êtres forment un genre de toile unie, dans laquelle les différentes ethnies et les peuples sont frères. Une approche spirituelle qui s’inscrit dans une mouvance hippie et qui se traduit par une diabolisation de la guerre et un éloge de la paix.
En effet, le recueil de poésie use des qualités du haïku, pour exploiter à fond des images choquantes, grâce à un lexique particulièrement riche. En mêlant ses combats pour l’écologie, l’auteur déferle sur une vague, qui a pour but d’emporter le lecteur dans un état de pleine conscience. En réalité, la crise humaine est aussi une bataille liée à l’environnent, où l’animal et l’Homme sont menacés : « des millions offerts — par des artistes à Kiev — moutons d’abattoir. » Ou encore : « génocide en règle — mines antipersonnelles — campagnes rasées ». Puisque le livre est court et rapide à terminer, il se présente comme une découverte idéale en transport en commun, pour s’évader intelligemment. La poésie est un excellent moyen de visiter la psyché de l’autre. Certains haïkus trouveront un impact, un écho plus important chez un lecteur que d’autres. Finalement, le projet de Bernard Anton est de soutenir inconditionnellement un pays face à l’oppression, plaçant le rôle de la liberté au cœur de toute bataille. Mais dans ce conflit meurtrier, certaines images appellent à l’espoir : « exactions sordides — alors que les coqs palabrent — chant des rossignols. »
En finesse et contrastés, les « Lauriers pour l’Ukraine » forment la première partie de ce recueil. Ce n’est qu’à la page 41 que l’on découvre la seconde catégorie : « Entre la peau et la pulpe », où l’auteur contemple et admire cette nature qui le fascine et l’impressionne. C’est pendant cette pause bien méritée que le lecteur peut reposer ses sens, après un tourbillon de violence : « Bianca ma colombe me fixe — un brin étonnée : tu réfléchis trop ! » Avec cette touche d’humour à laquelle Bernard Anton habitue sa cible, ce dernier l’emporte dans une promenade réconfortante. La partie « Libertades » se dédie principalement à « l’échange amoureux » tandis que les « Jeux de grâce » se consacrent à Brigitte Bardot, véritable muse dans le cœur d’Anton.
Entre les deux axes de ce livre, le lecteur trouvera certains haïkus parfois dérangeants qui parlent pour ceux qui n’ont pas le don de parole. En France, dans la conférence internationale pour les droits des animaux d’Esch-sur-Alzette en 2017 : « L’abattoir est considéré comme une personne morale alors que les cochons qui y meurent sont des choses. » Dans le pays des Lumières, il semblerait qu’une des lampes soit éteinte. C’est dans une optique militante et intelligente que Bernard Anton cherche à se démarquer. Grâce au langage et tout en harmonie, le poète use d’un lexique riche et d’un vocabulaire atypique, pour traiter de l’environnement et des sévices entre hommes. Une manière d’introduire en douceur un lecteur qui n’a jamais lu de haïku. Cela peut même lui donner des envies de création, lui permettant de s’atteler à l’art de l’écriture.
Dans cette dénonciation efficace et percutante, Bernard Anton joue avec les mots, les manipule — dans le but d’exposer le visage corrompu d’une politique militariste et autoritaire. Avec son format pratique à emporter et ses pages faciles à déchiffrer, la découverte nécessite quelques pauses, afin d’en déguster toute la saveur. Les « lauriers pour l’Ukraine » sont une manière intéressante de promouvoir la lecture et l’accès à la culture aux personnes qui n’apprécient pas les grands volumes et souhaitent trouver de nouveaux horizons.
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